31 mai 2006

Maison en T...

Suite au divorce de mes parents, en 1987, ma mère et son copain ont acheté une maison unifamiliale quelque part à Laval, dans le 450. Une belle demeure dans laquelle j'ai vécu 12 ans. Quartier paisible, classe moyenne, voisins effacés, la belle vie quoi (du moins pour quiconque aime la banlieue). J'ai beau être un Montréalais pur et dur, ces douze années m'ont fait le plus grand bien.


Une maison semblable à celle-ci. Un peu.

Au début des années 90, je revenais toujours de l'école vers 14h30, et mon chat W. et moi étions seuls jusqu'à au moins 18h00. La première fois que c'est arrivé, j'étais en haut, dans le salon. Je dévorais un livre, et c'est à peine si j'ai entendu la voix de ma mère, pourtant toujours au travail à l'heure qu'il était.

Je me souviens alors avoir relevé la tête. Quelque peu inquiet, je fixais l'immense marronnier dans la cour. « Je suis seul à la maison, ma mère est présentement n'importe où sauf ICI. La fatigue? » Je me replonge dans mon livre. Quelques minutes plus tard, j'entends clairement mon nom; il s'agit bel et bien de la voix de ma mère, et elle provient du sous-sol. Horrifié, je voulais mourir. Je dépose mon livre, et au même moment, mon chat apparaît dans le haut de l'escalier. Je suis alors convaincu qu'il a lui aussi entendu et que, confus, il a préféré monter. Il est resté planté dans le haut des marches, inquiet.


Reconstitution dramatique.

J'étais confronté à une situation impensable, et des larmes coulaient maintenant sur mes joues. En fait, je ne pleurais pas vraiment, je n'émettais aucun son habituellement associé à cette activité; l'angoisse, la peur, le vertige se frayaient un chemin hors de moi.

La deuxième fois que c'est arrivé, quelques semaines plus tard, j'étais assis au piano et je composais une chanson. Au sous-sol. La voix était claire, je peux avancer avec certitude que c'était celle de ma mère. La provenance? À quelques mètres de moi, quelque part entre le garage et la « chambre de la fournaise ». Quelqu'un, ou quelque chose, était là, tapi dans l'ombre, et imitait la voix de ma mère. Je suis monté en haut en courant et je suis sorti pour sauter sur ma bicyclette et partir en trombe. N'importe où me semblait bon.

Le même manège s'est reproduit quelques fois. Je tiens ici à préciser qu'à cette époque, je n'avais alors jamais touché à aucune drogue, et qu'à mon humble avis, je ne souffrais d'aucune maladie mentale. Je n'ai jamais osé en parler à ma mère, de peur qu'elle fasse une dépression et/ou qu'elle mette le feu à la maison. Quel choc que d'apprendre qu'une entité se fait passer pour vous et qu'elle tente, pour une raison inconnue, d'attirer votre fils vers elle en l'appelant sans cesse!!??


Tu n'es pas ma mère!

La dernière fois de ma vie que mon nom a été prononcé dans cette foutue cave, j'ai failli pleurer, mais cette fois-ci de joie. Pourquoi? Parce que mon ami était assis à côté de moi, et qu'il a non seulement lui aussi entendu mon nom, mais il a également reconnu la voix de ma mère. Il était blanc comme un drap. Il savait, c'est le seul à qui j'en avais déjà parlé. Mais là, il y assistait, live! Et moi, j'étais soulagé. J'avais enfin un témoin autre que mon chat, je n'étais pas cinglé!

Il voulait sortir de la maison, j'ai tout de suite senti sa panique. J'ai réussi à le calmer, et bien qu'étant moi-même en état de choc (on ne s'habitue jamais à ce genre de folie), j'ai même réussi à le convaincre de m'accompagner dans le garage pour en avoir le coeur net. Il a accepté, mais il n'était pas question qu'il y mette les pieds; il m'attendrait sur le seuil de la porte. Good enough for me. On se dirige lentement, terrorisés, vers le garage. J'ouvre la porte, tout se bouscule dans ma tête.


Reconstitution dramatique. Merci à James Brolin,
qui a bien voulu jouer mon rôle le temps d'une photo.

Il n'y avait rien dans le garage. Rien de tangible, disons... Une présence? Une odeur? Un rire étouffé? Je me souviens seulement que je me sentais observé. Et pas uniquement par mon ami, affolé, près de la porte, me suppliant qu'on foute le camp, pas seulement du garage, mais de la maison. Je ne me fis pas prier, je sentais que mes forces allaient m'abandonner, que j'allais m'écrouler et que je ne sais quoi n'attendait que ce moment.

Pourquoi je vous raconte tout cela? 16 ans plus tard, et jamais rien de tel ne s'est produit depuis dans ma vie. Pas de voix, pas d'hallucinations, rien. Ça fait maintenant quatre ans que j'ai quitté la maison. Et en fin de semaine, dimanche soir pour être plus précis, j'y étais avec ma copine. On était tous assis dehors, et il était environ 20h30 quand, avant de partir, je suis entré dans la maison pour aller porter ma bouteille de bière vide.

Je descends au sous-sol, je n'allume aucune lumière; c'est très sombre, mais j'ai quand même habité là 12 ans. Je sais exactement où est la caisse. Je la trouve, y dépose ma bouteille, et, et,... Je ne pourrais pas dire exactement ce qui s'est passé. J'avais l'impression que c'était revenu... J'ai figé, j'ai eu peur, je suis resté là quelques secondes, seul (minou est mort depuis des années), avant de sortir de ma torpeur et de remonter en haut en courant, non sans regarder derrière moi, comme pour m'assurer que cette chose resterait dans la cave, qu'elle n'allait pas me suivre dans ma nouvelle vie, moi qui ai réussi à lui échapper il y a de ça si longtemps,...

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InTeRdIcTiOn ToTaLe De FuMeR

31 mai, il est minuit.



Ce blogue est maintenant non-fumeur.

Euh,... Et sera dorénavant écrit en chinois.

Merci.

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20 mai 2006

Top 5 des irritants dans le Métro

5- Dans un wagon. Un homme termine sa lecture, referme son journal, le laisse tomber « subtilement » par terre (non non, personne ne m'a vu faire) ou le lance non subtilement sur le banc libre en face de lui (oui oui, j'en ai rien à foutre, j'assume mon geste). C'était si dur de le garder dans ta main, sur tes cuisses, de le mettre dans ton sac, ou dans ta poche? Et je fais quoi, moi? Je lui dis de le ramasser, je le sermonne, et je cours le risque de me faire engueuler, battre ou poignarder??? Trop risqué. Je prends alors mon trou, et je le trouve stupide, dans ma tête, pas trop fort, de loin.



4- Devant le tourniquet. C'est l'heure de pointe, des centaines et des centaines d'usagers franchissent les tourniquets chaque minute. Monsieur passe sa carte d'autobus dans la fente à la vitesse de l'éclair, sur son air d'aller. Mauvaise réponse, petit X rouge. Bang! Tout le monde autour se demande s'il pourra encore avoir des enfants. Surpris, il réessaie. Non. Humilié, il la passe à nouveau, plus lentement. Non plus. Tout le monde attend derrière lui. En colère, il coupe dans la ligne du tourniquet suivant, puis passe sa carte tout doucement dans la fente. Rien à faire. Il essaie encore, en regardant les gens autour, cherchant leur approbation comme quoi ces cartes ne valent rien. Pourtant, 120 personnes sont passées depuis sa première tentative. Il recule, coupe une fois de plus dans la ligne du tourniquet suivant. Le X rouge est plus fort que lui. Après avoir foutu le bordel à tous les tourniquets, et surtout après avoir coupé tout le monde en sauvage plus d'une fois, il se dirige (enfin) vers le contrôleur, pour l'engueuler, bien sûr.



3- Dans un wagon. C'est ma station, je me lève, me plante devant les portes. La plupart du temps, lorsque les portes s'ouvrent, le troupeau sur le quai se divise en deux groupes bien distincts, libérant ainsi le passage. Mais y'a toujours des exceptions. Le connard qui reste planté en plein milieu, qui n'a rien compris, et qui pète les plombs si on a le malheur de le toucher au passage. La madame qui, aussitôt les portes ouvertes, se lance tête première et joue du coude pour se frayer un chemin. On comprend, madame, que vous voulez une place assise; on aimerait toutefois, autant que possible, sortir du wagon sans se faire casser deux côtes flottantes.


Imposteur!

2- Dans l'escalier mécanique. C'est l'heure de pointe, et les milliers de fourmis que nous sommes à se frayer un chemin dans ces dédales avons pour la plupart la décence de ne serait-ce que tenter de ne pas nuire à la circulation. L'escalier fait deux milles de long, on voit très bien jusqu'en haut. En un rapide coup d'oeil, on peut donc clairement déduire que : A) dans la voie de droite, les gens sont plantés là et attendent d'être rendus en haut; et B) la voie de gauche appartient aux gens en forme, pressés, en retard, ou ayant tout simplement le goût d'avancer. Wow, serait-ce la même chose que sur la route, en voiture? Oui!, bravo! Alors pourquoi, mais alors là pourquoi se planter dans la voie de gauche et rester là? Comment ne pas vous rendre compte que tout le monde marche devant vous et que personne ne bouge à votre droite? Seriez-vous par hasard la seule et unique personne dans cette foule à n'avoir rien compris? Ne vous retournez surtout pas, vous risqueriez de voir le visage de tous ces gens qui viennent de freiner brusquement dans votre dos et qui rêvent de vous lancer en bas...



1- Devant le tourniquet. C'est le matin, il est 7h15, quatre autobus régurgitent un flot de passagers devant la station. 172 personnes s'engouffrent dans l'escalier pour finalement se retrouver, une fois en bas, devant trois misérables tourniquets. 1, 2, 3, GO! Carte mensuelle, clac, monsieur passe, correspondance, clac, un autre monsieur, billet, clac, un étudiant passe, et là, tout d'un coup, oups... Madame s'arrête brusquement devant le tourniquet. Elle ouvre son sac, elle cherche. Pendant ce qui semble être une éternité, des dizaines d'usagers passent le tourniquet à sa gauche, à sa droite. Tout le monde vient de freiner derrière elle (voir l'escalier mécanique). Elle fouille, elle fouille, et trouve enfin sa carte. Yé! Ah, fuck, c'est sa carte du mois passé, qu'elle conserve pour une raison obscure,... Elle poursuit ses recherches, pour finalement se rappeler qu'elle l'avait dans sa poche. Elle franchit le tourniquet avec succès! Il est maintenant 9h00, elle vient de rater les 22 derniers trains, et ceux et celles qui descendaient l'escalier en même temps qu'elle ce matin entament leur deuxième café au travail.

La STM vous remercie de votre compréhension.

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16 mai 2006

Trop de détails

Provigo, dimanche soir, 18h20. Je fais mon épicerie, tranquille, pas un chat. Je veux des piments verts, mais bon, le présentoir est vide. Je veux des poitrines de poulet désossées, mais ce sera pour une autre fois, il n'en reste aucune. Pour que je n'y vois que du feu, ces imbéciles ont même bouché les trous avec des paquets de viande hachée. Mon lait 1%? Non plus. « Du 1??? Euh, lundi, ou peut-être mardi, genre!», me répond le gars qui fait semblant de travailler. Et qui fait semblant de savoir. Je déteste mon Provigo. C'est la dernière fois que j'y mettais les pieds.

J'arrive à la caisse avec mon panier à moitié vide pour cause d'épicerie minable et en perpétuelle rupture de stock. Pas de clients en ligne, pas d'employés. C'est normal, on est dimanche, le staff est réduit, les... !!!!!! C'est alors qu'une jeune caissière* surgit de nulle part, les yeux cernés, le sourire manqué.

*16, 17 ans...

C'est à croire qu'elle dormait par terre. La voilà toutefois devant moi, infidèle à son poste. On peut donc commencer la game.

-Bonjour.

-Bonjour Monsieur.

Je commence à placer sur le tapis roulant le peu de bouffe que j'ai réussi à trouver. Une vieille dame arrive avec son panier, attend sagement derrière moi. Puis un homme, dans la quarantaine, droit et sûr de lui, dont la soirée s'annonce « steak et vin cheap ». Tant mieux, il semble avoir trouvé ce qu'il cherchait, LUI. La caissière se retourne et crie* vers un semblant de bureau de gérant :

*40, 50 décibels...

-Cathyyyyyyyyy? Cathy!!!!!!!???????????

La porte s'ouvre, Cathy sort du bureau. Ce n'est clairement pas la gérante, elle a l'air encore plus jeune que ma caissière. Oui oui, MA caissière, bon.

-Quoi?

-T'as-tu des Tylenol?

-Euh, euh... Non,...

(J'avais goût de lui répondre : « Des Tylenol?? Euh, lundi, ou peut-être mardi, genre! »)

Songeuse, ma caissière passe deux ou trois autres produits sur sa plaque vitrée assortie d'un joli rayon laser rouge cancérigène avant de renchérir :

-T'as-tu un couteau d'abord??

Intrigué, je lève la tête. La vieille dame la regarde, l'homme au vin moins cher que son steak à 8$ la regarde aussi, puis tous les regards se tournent vers Cathy. On attend sa réponse. Ne nous déçoit pas, Cathy!

-Un couteau?? Non!, pourquoi?

-POUR ARRACHER MON UTÉRUS PIS L'GARROCHER AU BOUT DE MES BRAS!!!!!*

*70, 80 décibels...

Ah, c'était donc pour ça, les Tylenol... Je suis pour la liberté d'expression, mais j'avoue que là, ça m'a écoeuré.

Conseil du jour à MA caissière :


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4 mai 2006

VHS 2 - suite et fin

J'ai dû regarder Anthropophagus une bonne vingtaine de fois. Il est d'ailleurs deuxième dans mon Top 3 Horreur, derrière The Evil Dead (titre ayant bercé mon enfance : L'Opéra de la terreur, de Sam Raimi - 1981) et devant Burial Ground (dans ma jeunesse : Le manoir de la terreur, d'Andrea Bianchi - 1981 également). J'y reviendrai plus tard, ces deux films méritant largement leur propre rubrique VHS.

Anthropophagus, donc. Quel titre. Et quel film. Certains le trouve emmerdant, principalement parce qu'il ne s'y passe rien durant les 50 premières minutes. Faux. La tension monte. Le décor s'installe. On apprend à connaître les personnages, tous plus inintéressants les uns que les autres. Les meurtres sont d'une violence inouïe, crasseuse. Je trouve ça bien filmé, bien amené, et surtout bien inquiétant. Et que serait le film sans la présence de George Eastman, de son véritable nom Luigi Montefiori, une légende du cinéma déviant italien? Dans le rôle du Monstre, il assure grave. Il faut le voir, du haut de ses six pieds neuf pouces, avancer vers ses victimes/amuse-gueules. Impressionnant. J'ai également un faible pour Tisa Farrow, que je connaissais déjà pour l'avoir vu dans le monument Zombi 2 (1979), du névrosé Lucio Fulci. J'adore ce film, pour toutes les mauvaises raisons.


Zora Kerova, sur le point de perdre la tête.

J'avais environ 20 ans. M'étant planté en appartement, j'étais revenu chez mes parents, légèrement humilié. Ma nouvelle chambre était au sous-sol, et cette période de ma vie fut tout sauf reluisante; j'étais souvent morose, impatient, déçu. Un bon soir, ma mère entre dans ma chambre et me sermonne à propos de mon avenir, du cégep, de ma vie en général... N'étant vraiment pas d'humeur, mais ne souhaitant pas non plus l'invectiver ou la mettre à la porte, je me lève et saisis ma bonne vieille VHS que je glisse, tout machiavélique que je suis, dans le magnétoscope.

-C'est quoi ce film là?

-Anthropophagus.

-[soupir] Encore un de tes films de fou,...

-[sourire] Oui.

Mon plan est simple, efficace, infaillible. Dans les cinq premières minutes du film, deux meurtres : le premier survient hors champ, après un hommage (*tousse* plagiat) à Jaws très réussi, et le deuxième, très sec, se veut un couperet de boucher en plein visage d'un gros puceau, scène-choc du plus bel effet sur fond de musique techno cheap insupportable. Ma mère est incapable de regarder E.T., elle trouve ça trop violent quand la plante meurt. Dans cinq petites minutes, elle sera donc sortie de ma chambre, dégoûtée. hé hé.

Et pourtant.

-[suivant le couperet en pleine tronche] Franchement, c'est des écoeuranteries.

-Oui. C'est cool!

Mais elle reste bien évachée sur mon divan, tandis que je commence sérieusement à me demander si je vais réellement me taper Anthropophagus avec ma mère. Y'a quelque chose de malsain dans tout ça. Mais plus le film avance, et plus on déconne! Elle trouve les personnages insignifiants, les dialogues absurdes, les situations banales, bref, elle a raison sur toute la ligne! Et moi je m'amuse de plus en plus, je lui raconte pleins d'anecdotes de tournage, je fais des liens avec d'autres films tout aussi cons, fun et trash. Je la prépare également à la fameuse scène d'avortement, d'une sauvagerie sans nom, coupée partout dans le monde... sauf sur ma fidèle VHS à 3,95$.


Tisa Farrow en laisse.

Mais juste avant, une scène loufoque qui nous a toujours fait bien rigoler mes amis et moi : victime d'un malentendu, une des deux héroïnes sort en plein orage, en pleine nuit, et se met à courir comme une conne dans la forêt. L'autre sort et se lance à ses trousses, la sommant de revenir. Bref, cette scène, en pleine nuit et en plein orage, a visiblement été tournée de jour, et sans pluie! Donc, elles quittent la maison = noirceur, tonnerre et éclairs, poursuite dans la forêt = il fait beau, il fait clair, et fin de la poursuite, où elles aboutissent dans un cimetière, = retour à la noirceur, au tonnerre et aux éclairs. Contraintes budgétaires, sans doutes. Moins cher de tourner le jour puisque plus rapide (éclairage, logistique, etc.).

-Y'a un problème dans cette scène. Essaie de trouver ce qui cloche.

Ma mère, toute contente de se voir confier une mission par son fils, se concentre. Je m'attendris peu à peu, ça m'amuse, je l'observe, je n'en reviens toujours pas qu'elle soit encore là après toutes ces atrocités.

-Hey,...

-Je t'écoute? [je souris]

-Y'a d'quoi qui marche pas...

-Quoi donc?

-Ça se passe sur une île au large de la Grèce, non?

Confusion.

-Euh,... Oui?!?

-C'est censé être l'été, les jeunes sont en vacances, le soleil, la mer...

Confusion totale.

-Euh,...

Et ma mère de conclure, triomphante :

-Y'a même pas de feuilles dans les arbres!!! En Grêce, et en plein été! Franchement... Y'ont clairement tourné ça en automne!!!

Le choc. Je suis abasourdi, stupéfait. Je n'avais jamais pensé à ça. Comment aurais-je pu. Elle n'a jamais glissé un mot quant à l'alternance jour-nuit.

Depuis ce jour, j'ai un respect éternel pour ma mère.

Quand je vous disais qu'elle n'avait pas de prix, cette foutue vieille VHS d'Anthropophagus...

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2 mai 2006

VHS 2

Une chose que les jeunes d'aujourd'hui ne connaîtront jamais : la frustration associée à l'impossibilité de dénicher un film. Quand j'étais jeune, disons dans les années 89-94, période post-primaire, les Media Blasters (Shriek Show, Tokyo Shock), Grindhouse Releasing, Blue Underground et autres Anchor Bay n'existaient pas. Et encore moins le DVD. Internet en était à ses premiers balbultiements, et donc le seul moyen à ma disposition pour assouvir ma soif de films d'horreur était la lecture : acheter des revues spécialisées (Fangoria, Gorezone, Mad Movies) et, l'option la moins intéressante, emprunter des livres à la bibliothèque. Je dis moins intéressante puisque ces derniers traitaient surtout d'horreur dite mainstream, à savoir les Dracula, Frankenstein et momies, et quelques fois de Jason et de Freddy, pour les maisons d'édition les plus « téméraires ».

Mais moi, ce qui m'intéressait, c'était l'abject, l'ignoble, l'infect, l'odieux, le révoltant. Et chacun de ces adjectifs se traduisait de la même façon : Italia.

Je faisais même affaires avec une compagnie américaine, Midnight Video, qui s'amusait à retracer le master de films réputés comme étant introuvables, à en faire des copies sur VHS et à les vendre 20$ US. Le film arrivait par la poste, dans une belle pochette noire et beige Maxell T-120 P/I PLUS, pas de photos, pas de couleurs, et le seul moyen d'identifier le film était de lire l'autocollant apposé sur la cassette et sur lequel était inscrit, à la machine à écrire svp, le titre et le nom du réalisateur. Mais putain, qu'est-ce que je pouvais me foutre de ce manque d'emballage attrayant! C'était pour moi le seul moyen de voir enfin Incubo sulla città contaminata (Umberto Lenzi - 1980), Le notti del terrore (Andrea Bianchi - 1981), Buio Omega (Joe D'Amato - 1979) et autres Flavia, la monaca musulmana (Gianfranco Mingozzi - 1974). Tous ces films étaient 20$.

Tous? Non.

Anthropophagus (aka Anthropophagous: The Beast, Antropofago, Man Beast, The Grim Reaper, The Savage Island, The Zombie's Rage, etc.), 1980, de Joe D'Amato (aka environ une trentaine de pseudonymes), avec George Eastman et Tisa Farrow. Oui, la soeur de l'autre.


La pochette originale, qui trônait à mon
club vidéo dans les années 80.

Évidemment, cette pochette fut pour moi une source de traumatisme tout au long de ma jeunesse. Chaque fois que j'allais au club vidéo avec mon père pour louer le premier Rambo, un vieux Charles Bronson ou Les Goonies, je ne pouvais m'empêcher de la regarder (ainsi que celle juste à côté, tout aussi impressionante, de L'Opéra de la terreur; mais ça, c'est une autre histoire). À 8 ans, j'ai décidé que j'étais assez vieux et que le temps était venu pour moi de voir Anthropophagus. Armé du petit jeton bleu (bleu pour Béta, rouge pour VHS) et de tout mon courage, je me dirige vers mon père et le lui tends.

Il regarde le numéro, fait quelques pas, se dresse devant la section Horreur, trouve la pochette en question, voit le joli dessin.

Fuck, on a encore loué Les Goonies.

Anthropophagus, chez Midnight Video, était 25$ US. Le seul film de tout leur catalogue qui était 5$ plus cher que TOUS les autres (une bonne centaine, et des très bons). Pourquoi? Parce que le film était complet, incluant LA scène qui fait trembler tous les minables censeurs de ce monde : celle où le grand cannibale (George Eastman, parfait) étrangle une femme enceinte. C'est tout? Non. Il rentre son bras dans la madame, jusqu'au coude, fouille, en sort le foetus (cordon et tout le tralala), le regarde et prend une bouchée. Le tout sous les yeux horrifiés du mari, et donc père de la collation, qui s'écroule, poignardé qu'il fut par le dégénéré. Ouf. Il me fallait trouver ce film.


Une belle carte postale à envoyer à grand-mère.

On est au début des années 90, plus aucun club vidéo n'a le film sur ses tablettes. J'ai fait le tour des clubs de Laval; ils l'ont soit perdu, soit vendu, soit brûlé. Je ne le verrai jamais, je dois le commander. Environ 45$ CAN, avec taxes et frais de toutes sortes. J'étais à l'époque camelot pour La Presse : tant pis, mon salaire annuel allait y passer.

Un soir comme un autre, je me rends au défunt Club International, coin Concorde et Notre-Dame-de-Fatima. Je loue je ne sais quel film sans intérêt, et m'apprête à sortir. Un dessin m'appelle. Ok, je ne l'entends pas, mais je le vois, flou, du coin de l'oeil. Non. Pas vrai.

3,95$.

J'arrive chez moi; je n'enlève même pas mon manteau, je n'appelle pas ma blonde, je suis en transe. La cassette dans le vidéo, mes fesses sur mon lit, mes yeux rivés à l'écran. 1h30 de pur bonheur. La copie est intacte, en français, non censurée, et la scène du foetus y est! In your face, Midnight Video! Le gars au club vidéo m'a dit que son boss avait retrouvé « ce vieux film d'horreur à chier » chez lui, dans sa cave (un restant d'inventaire d'un club en faillite à Ste-Hyacinthe). Ce qu'il ne sait pas, c'est que ce film, avec la pochette originale, valait beaucoup plus que quatre dollars et des poussières.

Aujourd'hui, le film est toujours dans mon étagère. Un item de collection qui n'a pas de prix, et dont je ne me départirais pas pour tout l'(h)or(reur) du monde.

Une chose que les jeunes d'aujourd'hui ne connaîtront jamais : cette douce folie qui entourait, jadis, la recherche d'un film de fou.

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