VHS 2 - suite et fin
J'ai dû regarder Anthropophagus une bonne vingtaine de fois. Il est d'ailleurs deuxième dans mon Top 3 Horreur, derrière The Evil Dead (titre ayant bercé mon enfance : L'Opéra de la terreur, de Sam Raimi - 1981) et devant Burial Ground (dans ma jeunesse : Le manoir de la terreur, d'Andrea Bianchi - 1981 également). J'y reviendrai plus tard, ces deux films méritant largement leur propre rubrique VHS.
Anthropophagus, donc. Quel titre. Et quel film. Certains le trouve emmerdant, principalement parce qu'il ne s'y passe rien durant les 50 premières minutes. Faux. La tension monte. Le décor s'installe. On apprend à connaître les personnages, tous plus inintéressants les uns que les autres. Les meurtres sont d'une violence inouïe, crasseuse. Je trouve ça bien filmé, bien amené, et surtout bien inquiétant. Et que serait le film sans la présence de George Eastman, de son véritable nom Luigi Montefiori, une légende du cinéma déviant italien? Dans le rôle du Monstre, il assure grave. Il faut le voir, du haut de ses six pieds neuf pouces, avancer vers ses victimes/amuse-gueules. Impressionnant. J'ai également un faible pour Tisa Farrow, que je connaissais déjà pour l'avoir vu dans le monument Zombi 2 (1979), du névrosé Lucio Fulci. J'adore ce film, pour toutes les mauvaises raisons.
Zora Kerova, sur le point de perdre la tête.
J'avais environ 20 ans. M'étant planté en appartement, j'étais revenu chez mes parents, légèrement humilié. Ma nouvelle chambre était au sous-sol, et cette période de ma vie fut tout sauf reluisante; j'étais souvent morose, impatient, déçu. Un bon soir, ma mère entre dans ma chambre et me sermonne à propos de mon avenir, du cégep, de ma vie en général... N'étant vraiment pas d'humeur, mais ne souhaitant pas non plus l'invectiver ou la mettre à la porte, je me lève et saisis ma bonne vieille VHS que je glisse, tout machiavélique que je suis, dans le magnétoscope.
-C'est quoi ce film là?
-Anthropophagus.
-[soupir] Encore un de tes films de fou,...
-[sourire] Oui.
Mon plan est simple, efficace, infaillible. Dans les cinq premières minutes du film, deux meurtres : le premier survient hors champ, après un hommage (*tousse* plagiat) à Jaws très réussi, et le deuxième, très sec, se veut un couperet de boucher en plein visage d'un gros puceau, scène-choc du plus bel effet sur fond de musique techno cheap insupportable. Ma mère est incapable de regarder E.T., elle trouve ça trop violent quand la plante meurt. Dans cinq petites minutes, elle sera donc sortie de ma chambre, dégoûtée. hé hé.
Et pourtant.
-[suivant le couperet en pleine tronche] Franchement, c'est des écoeuranteries.
-Oui. C'est cool!
Mais elle reste bien évachée sur mon divan, tandis que je commence sérieusement à me demander si je vais réellement me taper Anthropophagus avec ma mère. Y'a quelque chose de malsain dans tout ça. Mais plus le film avance, et plus on déconne! Elle trouve les personnages insignifiants, les dialogues absurdes, les situations banales, bref, elle a raison sur toute la ligne! Et moi je m'amuse de plus en plus, je lui raconte pleins d'anecdotes de tournage, je fais des liens avec d'autres films tout aussi cons, fun et trash. Je la prépare également à la fameuse scène d'avortement, d'une sauvagerie sans nom, coupée partout dans le monde... sauf sur ma fidèle VHS à 3,95$.
Tisa Farrow en laisse.
Mais juste avant, une scène loufoque qui nous a toujours fait bien rigoler mes amis et moi : victime d'un malentendu, une des deux héroïnes sort en plein orage, en pleine nuit, et se met à courir comme une conne dans la forêt. L'autre sort et se lance à ses trousses, la sommant de revenir. Bref, cette scène, en pleine nuit et en plein orage, a visiblement été tournée de jour, et sans pluie! Donc, elles quittent la maison = noirceur, tonnerre et éclairs, poursuite dans la forêt = il fait beau, il fait clair, et fin de la poursuite, où elles aboutissent dans un cimetière, = retour à la noirceur, au tonnerre et aux éclairs. Contraintes budgétaires, sans doutes. Moins cher de tourner le jour puisque plus rapide (éclairage, logistique, etc.).
-Y'a un problème dans cette scène. Essaie de trouver ce qui cloche.
Ma mère, toute contente de se voir confier une mission par son fils, se concentre. Je m'attendris peu à peu, ça m'amuse, je l'observe, je n'en reviens toujours pas qu'elle soit encore là après toutes ces atrocités.
-Hey,...
-Je t'écoute? [je souris]
-Y'a d'quoi qui marche pas...
-Quoi donc?
-Ça se passe sur une île au large de la Grèce, non?
Confusion.
-Euh,... Oui?!?
-C'est censé être l'été, les jeunes sont en vacances, le soleil, la mer...
Confusion totale.
-Euh,...
Et ma mère de conclure, triomphante :
-Y'a même pas de feuilles dans les arbres!!! En Grêce, et en plein été! Franchement... Y'ont clairement tourné ça en automne!!!
Le choc. Je suis abasourdi, stupéfait. Je n'avais jamais pensé à ça. Comment aurais-je pu. Elle n'a jamais glissé un mot quant à l'alternance jour-nuit.
Depuis ce jour, j'ai un respect éternel pour ma mère.
Quand je vous disais qu'elle n'avait pas de prix, cette foutue vieille VHS d'Anthropophagus...
J'ai dû regarder Anthropophagus une bonne vingtaine de fois. Il est d'ailleurs deuxième dans mon Top 3 Horreur, derrière The Evil Dead (titre ayant bercé mon enfance : L'Opéra de la terreur, de Sam Raimi - 1981) et devant Burial Ground (dans ma jeunesse : Le manoir de la terreur, d'Andrea Bianchi - 1981 également). J'y reviendrai plus tard, ces deux films méritant largement leur propre rubrique VHS.
Anthropophagus, donc. Quel titre. Et quel film. Certains le trouve emmerdant, principalement parce qu'il ne s'y passe rien durant les 50 premières minutes. Faux. La tension monte. Le décor s'installe. On apprend à connaître les personnages, tous plus inintéressants les uns que les autres. Les meurtres sont d'une violence inouïe, crasseuse. Je trouve ça bien filmé, bien amené, et surtout bien inquiétant. Et que serait le film sans la présence de George Eastman, de son véritable nom Luigi Montefiori, une légende du cinéma déviant italien? Dans le rôle du Monstre, il assure grave. Il faut le voir, du haut de ses six pieds neuf pouces, avancer vers ses victimes/amuse-gueules. Impressionnant. J'ai également un faible pour Tisa Farrow, que je connaissais déjà pour l'avoir vu dans le monument Zombi 2 (1979), du névrosé Lucio Fulci. J'adore ce film, pour toutes les mauvaises raisons.
Zora Kerova, sur le point de perdre la tête.
J'avais environ 20 ans. M'étant planté en appartement, j'étais revenu chez mes parents, légèrement humilié. Ma nouvelle chambre était au sous-sol, et cette période de ma vie fut tout sauf reluisante; j'étais souvent morose, impatient, déçu. Un bon soir, ma mère entre dans ma chambre et me sermonne à propos de mon avenir, du cégep, de ma vie en général... N'étant vraiment pas d'humeur, mais ne souhaitant pas non plus l'invectiver ou la mettre à la porte, je me lève et saisis ma bonne vieille VHS que je glisse, tout machiavélique que je suis, dans le magnétoscope.
-C'est quoi ce film là?
-Anthropophagus.
-[soupir] Encore un de tes films de fou,...
-[sourire] Oui.
Mon plan est simple, efficace, infaillible. Dans les cinq premières minutes du film, deux meurtres : le premier survient hors champ, après un hommage (*tousse* plagiat) à Jaws très réussi, et le deuxième, très sec, se veut un couperet de boucher en plein visage d'un gros puceau, scène-choc du plus bel effet sur fond de musique techno cheap insupportable. Ma mère est incapable de regarder E.T., elle trouve ça trop violent quand la plante meurt. Dans cinq petites minutes, elle sera donc sortie de ma chambre, dégoûtée. hé hé.
Et pourtant.
-[suivant le couperet en pleine tronche] Franchement, c'est des écoeuranteries.
-Oui. C'est cool!
Mais elle reste bien évachée sur mon divan, tandis que je commence sérieusement à me demander si je vais réellement me taper Anthropophagus avec ma mère. Y'a quelque chose de malsain dans tout ça. Mais plus le film avance, et plus on déconne! Elle trouve les personnages insignifiants, les dialogues absurdes, les situations banales, bref, elle a raison sur toute la ligne! Et moi je m'amuse de plus en plus, je lui raconte pleins d'anecdotes de tournage, je fais des liens avec d'autres films tout aussi cons, fun et trash. Je la prépare également à la fameuse scène d'avortement, d'une sauvagerie sans nom, coupée partout dans le monde... sauf sur ma fidèle VHS à 3,95$.
Tisa Farrow en laisse.
Mais juste avant, une scène loufoque qui nous a toujours fait bien rigoler mes amis et moi : victime d'un malentendu, une des deux héroïnes sort en plein orage, en pleine nuit, et se met à courir comme une conne dans la forêt. L'autre sort et se lance à ses trousses, la sommant de revenir. Bref, cette scène, en pleine nuit et en plein orage, a visiblement été tournée de jour, et sans pluie! Donc, elles quittent la maison = noirceur, tonnerre et éclairs, poursuite dans la forêt = il fait beau, il fait clair, et fin de la poursuite, où elles aboutissent dans un cimetière, = retour à la noirceur, au tonnerre et aux éclairs. Contraintes budgétaires, sans doutes. Moins cher de tourner le jour puisque plus rapide (éclairage, logistique, etc.).
-Y'a un problème dans cette scène. Essaie de trouver ce qui cloche.
Ma mère, toute contente de se voir confier une mission par son fils, se concentre. Je m'attendris peu à peu, ça m'amuse, je l'observe, je n'en reviens toujours pas qu'elle soit encore là après toutes ces atrocités.
-Hey,...
-Je t'écoute? [je souris]
-Y'a d'quoi qui marche pas...
-Quoi donc?
-Ça se passe sur une île au large de la Grèce, non?
Confusion.
-Euh,... Oui?!?
-C'est censé être l'été, les jeunes sont en vacances, le soleil, la mer...
Confusion totale.
-Euh,...
Et ma mère de conclure, triomphante :
-Y'a même pas de feuilles dans les arbres!!! En Grêce, et en plein été! Franchement... Y'ont clairement tourné ça en automne!!!
Le choc. Je suis abasourdi, stupéfait. Je n'avais jamais pensé à ça. Comment aurais-je pu. Elle n'a jamais glissé un mot quant à l'alternance jour-nuit.
Depuis ce jour, j'ai un respect éternel pour ma mère.
Quand je vous disais qu'elle n'avait pas de prix, cette foutue vieille VHS d'Anthropophagus...
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