Vieilleries, Part I

Les premiers balbutiements de la télé payante ressemblaient aux canaux Indigo et Viewer's Choice d'aujourd'hui, à savoir une dizaine de films tout au plus chaque mois. Aujourd'hui, Super Écran présente environ 150 films par mois. Bon, ok, certains une seule fois, genre mardi le 16 octobre, à 13h45, mais bon; 150 tout de même. Lorsque j'avais six ans, en 83, mon père est arrivé un soir à la maison avec la fameuse boîte noire sous le bras : le décodeur. C'est à Premier Choix, l'ancêtre de Super Écran, que j'ai vu tous les films qui m'ont forgé, qui ont fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Pour le meilleur, et surtout pour le pire.

L'horaire des films arrivait par la poste; je scrutais chaque page, chaque film, chaque réalisateur, chaque durée. Chez moi, ce magazine mensuel d'une trentaine de pages, on l'appelait affectueusement le « Livre d'la télé payante ». Attention, c'était très sérieux.

-P'pa, yé où l'Livre d'la télé payante?

-Je l'ai amené au bureau ce matin, pour le montrer à Paul, et, euh, j'le ramène demain, promis!

Quoi?! Une soirée sans le Livre d'la télé payante? Une chance qu'on avait l'horaire télé d'Écho vedettes. On n'avait pas le synopsis du film, mais on avait au moins le titre, et l'heure à laquelle on devait s'installer devant la télé et se la fermer pour enfin découvrir un autre film. Comédie? Science-fiction? Action? Who cares!!! Tant que c'était un filmmmmmmmm!

Krull

Réalisé par Peter Yates, avec Ken Marshall et Lysette Anthony, 1983.



J'ai bien dû voir ce film 20 fois. Je ne me suis jamais tanné, je le connaissais par coeur, je récitais à voix haute les dialogues. En gros, c'est l'histoire d'une forteresse extra-terrestre (???) qui atterrit sur notre bonne vieille terre à une époque jamais mentionnée, mais bon, nous ne sommes pas dupes, ça ressemble étrangement au Moyen Âge. Ce château a la fâcheuse habitude de disparaître chaque soir, au coucher du soleil, pour réapparaître aussitôt quelque part d'autre sur la terre (dans le désert, dans la neige, dans les montagnes, même dans l'océan, nous apprend le narrateur, blasé). La princesse Lyssa se fait enlever par les méchants et se retrouve prisonnière dans la forteresse instable. Il semble que le chef des méchants, un gros monsse, souhaite l'épouser. C'est alors que le prince Colwyn, triste et fâché, décide de la secourir. Une équipe de freaks l'accompagnera dans son périple (un vieux sage, un géant/cyclope, un magicien, un enfant, un gang de brigands, la panoplie classique, quoi). Ah oui, et Colwyn a une arme redoutable qui l'aidera à vaincre le gros monsse : une étoile magique.


Colwyn, sa barbe magique et son étoile. Ou serait-ce le contraire?

Je viens revoir le film hier, 23 ans plus tard. Bon dieu que c'est mauvais. Croisement improbable entre Star Wars et Excalibur, je n'arrive pas à croire que je me suis tapé cette chose une vingtaine de fois. Étais-je dépressif? Somnambule? En fait, j'étais tout simplement jeune. Ok, et peut-être aussi un peu dépressif. Certains films vieillissent bien, d'autres moins. Celui-ci vieillit très mal.

Évidemment, je suis capable de regarder un film avec mon coeur d'enfant. Manifestement, je sais que les effets spéciaux sont datés. Visiblement, je sais bien que c'est là un film fantastique merveilleux d'aventures, et que donc tout est possible. Mais y'a rien à faire. Krull est un naufrage sur toute la ligne.


Ergo le magicien, et Titch, euh, l'enfant.

Quand on pense à des films qui sont sortis avant, certains 10, 20, voire même 30 ans avant, et dont les effets spéciaux sont tout à fait hallucinants, et qu'ils tiennent toujours la route aujourd'hui, on se dit que ce Krull de sinistre mémoire est, en effet, de bien sinistre mémoire; les effets (pas si) spéciaux, les personnages, leurs motivations, leurs aventures, les décors en carton-pâte, les combats, les armes, les bons, les méchants, la musique,...

Je donne au film 1 sur 10, et ce 1, c'est pour Rell the Cyclops, magnifique.


Rell for president!

Enlevez tous les personnages, tous les effets, tous les décors et toutes les aventures, ne gardez que Rell, qui battrait le gros monsse à la fin non pas avec une, hum, étoile magique, mais bien avec sa lance/fourche en bois, qu'il lance comme un javelot, et qui atteint sa cible à tout coup, même si le méchant est à 50 pieds, dans une forêt dense, caché derrière des rochers, et Krull, mes amis, serait un chef-d'oeuvre. Bon, évidemment, le film ne durerait que cinq minutes, mais quel cinq minutes de pur bonheur ce serait!



Krull, la machine à boules



Krull, le jeu d'arcade



Krull, le jeu Atari



Krull, le parc, la petite fille et son toutou.