11 février 2007

Revenir

Le réalisateur/scénariste/producteur/acteur/compositeur Pedro Almodóvar est tout un numéro; ses films ne laissent personne indifférents. Certains trouvent que ses films sont plates, qu'ils manquent cruellement d'action, que les hommes sont pratiquement toujours absents de ses scénarios, et donc que le femmes prennent trop de place, alors que d'autres avancent que pratiquement tous ses films sont géniaux, sensibles, drôle, humains.

Je ne peux me prononcer sur le « pratiquement tous ses films sont géniaux », je n'en ai vu que trois. Mon premier contact remonte à 1999. Anéanti par une rupture amoureuse, j'errais de cinéma en cinéma. J'y allais au moins trois-quatre fois par semaine, pour je ne sais trop quelle raison, mais l'hypothèse « pour arrêter de penser, pour acheter deux heures d'atténuation de souffrance » me semble très plausible. Dans la même semaine (je m'en souviens comme si c'était hier), ce fut Boy's Don't Cry, Being John Malkovich et Todo sobre mi madre. Que du gros calibre.


Ces trois films m'ont marqué, pour différentes raisons, mais un seul m'a fait pleurer : Todo sobre mi madre (Tout sur ma mère). L'adepte de Zola que je suis y a rapidement trouvé son compte. Dans l'univers d'Almodóvar, les personnages rient, pleurent, souffrent, et meurent. Bienvenue dans la vraie vie. Trois ans plus tard, c'est encore une fois au cinéma que je me suis ramassé ma deuxième claque de l'Espagnol fou : Habla con ella (Parle avec elle).


Cette semaine, huit ans après mon premier, cinq ans après mon second, c'est Volver qui vient de confirmer tout le bien que je pensais d'Almodóvar. Après 15 minutes, je me souviens m'être dit un truc du genre « Mouais, encore des femmes qui parlent, qui parlent et qui parlent »; deux heures plus tard, je me souviens m'être dit un truc du genre « Excellent ».


Volver (revenir, en français, et en Espagne, le V se prononce comme un B, ce qui nous donne bol-bert), c'est l'histoire de plusieurs femmes, et toutes sont excellentes. Penelope Cruz, toute en beauté, porte le film sur ses épaules; elle est d'ailleurs repartie avec le Prix d'interprétation féminine à Cannes cet été, et la voilà maintenant en nomination pour l'Oscar. Son année, vous dites? Le seul problème, c'est que toutes les femmes du film jouent de façon très juste; toutes sont touchantes, toutes sont vraies. Un prix d'interprétation pour l'ensemble me semblerait plus juste.

Volver, c'est deux soeurs (Cruz et Lola Dueñas) qui reviennent au village de leur enfance pour rendre visite à une vielle tante. Elles renouent avec d'anciennes traditions et voient bientôt leur vie bouleversée par des événements tragiques. D'en dire plus serait criminel. Si les films d'Almodóvar comportent toujours leur lot de surprises et de retournements, celui-ci ne fait pas exception.

Non seulement le réalisateur poursuit-il son étude des profondeurs de l'être humain, c'est à un véritable travail de passionné auquel nous avons droit ici : des plans filmés de main de maître, des compositions de cadre sublimes, une recherche au niveau de chacune des couleurs présentes à l'écran, sans compter la maîtrise de la lumière, des ombrages et des accessoires qui occupent l'espace. Rien n'est laissé au hasard, et c'est ce qui fait toute la beauté de cet univers auquel on s'attache rapidement.


Évidemment, je n'ai vu que trois films du bonhomme, et je ne peux donc me prononcer que sur le peu que j'ai vu jusqu'à maintenant. Disons que mon constat est sensiblement le même pour les trois : de l'émotion à fleur de peau (des personnages les yeux plein d'eau, des malaises, des regards plus puissants que les mots), des actrices se donnant corps et âme (Cruz, donc, mais également Carmen Maura, Cecilia Roth, Marisa Paredes,...) et des thèmes difficiles (le viol, l'inceste, le meurtre). Bien que Volver soit le plus accessible des trois, il ne fait toutefois pas que dans la dentelle.

Almodóvar, ou l'art de faire basculer un quotidien sans histoire dans une histoire où tous les repères du quotidien s'écroulent.

À voir pour la panoplie de femmes brillant de mille feux sous l'oeil attentif de la caméra; à voir pour la maîtrise du réalisateur, véritable artiste accompli; à voir pour le simple plaisir de vivre, deux heures durant, un film comme on en voit que trop rarement.

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2 commentaires:

Anonymous Anonyme a dit...

Encore moi !

Contrairement à plusieurs de mes contemporains, je préfère généralement les films d'avant la notoriété internationale d'Almodovar, et pas seulement parce que ça fait chic : certes, il explorait moins en profondeur la psychologie de ses personnages, ceux-ci étaient moins universels, moins émouvants. Cependant, il n'y a rien de comparable à la folie de la Movida ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Movida ) : des orientations sexuelles changeantes, des adultères inconcevables, des perversions atroces traitées sur le mode comique... Ils sont un peu brouillons, ces films, très légers peut-être, complètement burlesques , mais ils en valent le détour ! Si tu en as envie, je te conseille : Kika (la scène de viol la plus absurde que j'ai vue, qui provoque à la fois le malaise et le rire), Atame (avec Antonio Banderas et Victoria Abril, sur le syndrôme de Stockolm, avec sa finale musicale que j'adooooooore, que tu peux regarder sans crainte de te gâcher le visionnement intégral : http://www.youtube.com/watch?v=y869nm0aSy0 ), Entre tinieblas (sur des bonnes soeurs pas mal spéciales) et le premier, le plus bizarre, pour les initiés seulement : Pepi, Luci, Bom y otras chicas del monton, comprenant entre autres une histoire d'amour entre une punkette adolescente et la femme d'un policier, aficionada des golden showers. La célèbre annonce de bobettes, en espagnol seulement : http://www.youtube.com/watch?v=A3NZsAhLZtk


Il n'empêche que mon film préféré est l'avant-dernier (je n'ai pas encore vu Volver) : La mala educacion. Enfin, Almodovar combine la provocation des débuts et la réalisation léchée des derniers. Avec Gael Garcia Bernal et surtout, Javier Camara (qui joue dans Parle avec elle), absolument GÉNIAL dans son rôle de travelo.

Bon, si tu ne veux plus que je débarque, cesse de parler de cinéma espagnol ! ;-)

12 février 2007 à 10 h 04  
Blogger benjamAnt a dit...

Merci beaucoup pour toutes ces recommandations chère Mo, elles sont toutes notées. Rien de mieux pour un néophyte en cinéma espagnol comme moi que de voir débarquer sur son blogue une experte avec ses quarante-douze coups de coeur. :o)

Tel que je le mentionnais au Réviseur fou hier, une copie de La mala educacion traîne sur mon bureau depuis dimanche; tout ce qui me manque, entre l'achat de faire-part pour le mariage et de rideaux pour la maison, c'est DU TEMPS. J'ai bien hâte de voir le film que j'ai sauté entre Habla et Volver.

Hasta luego !

13 février 2007 à 18 h 35  

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