Les grandes enquêtes de BenjamAnt IIJe devais avoir 12 ou 13 ans. La soeur de mon père, alors très impliquée dans tout ce qui m'intriguait à l'époque (sciences occultes, possessions démoniaques, revenants et autres sujets tous plus joyeux les uns que les autres), nous annonce qu'elle a quelque chose à nous montrer. (Nous = mon père, sa compagne, mes grands-parents, une ou deux autres tantes, etc. Petit groupe familial, quoi.)
Ça fait plus de quinze ans, mais je me souviens de chaque détail comme si c'était arrivé la semaine dernière. Intrigués, nous passons tous au salon, car c'est à la télé que ça se passe. Ma tante se dresse devant nous et prend la parole.
[j'ai beau me souvenir de tout, disons que je vais ici recréer du mieux que je peux ce qui s'est dit]
-Bon... Tout le monde a vu le film français
Trois hommes et un couffin, pis tout le monde a vu son
remake américain
Trois hommes et un bébé, avec Tom Selleck pis les autres. Mais chu certaine que vous avez pas vu le fantôme du p'tit gars par exemple...
?!
On avait pas mal toute la gang un mélange de points d'interrogation et d'exclamation dans les yeux. J'avais pour ma part déjà vu le film, que j'avais trouvé sans intérêt, mais j'avoue que là, je tendais l'oreille. Le fantôme du p'tit gars ? On t'écoute,
matante P !
-Un jeune garçon de neuf ans s'est suicidé, avec la carabine de ses parents. Imaginez l'horreur. Incapables de rester là suite à la mort de leur fils, y'ont décidé de vendre l'appartement pis de s'en aller en campagne. Le studio cherchait un grand appartement pour tourner le film, ils ont trouvé celui-là, paf, ils l'ont acheté. Le film s'est faite là, dans l'appartement. Mais l'esprit du p'tit gars était encore là, il rôdait, pris entre deux mondes, entre deux états,...
!?!
Tiens, un point d'exclamation de plus dans nos yeux. Nous étions tous pendus à ses lèvres. Je me souviens que je me disais alors "Euh, t'es-tu sérieuse, là ? On voit pas le fantôme du p'tit gars dans le film, c'est pas vrai...
Oh my God." J'étais réellement stressé à l'idée d'assister à quelque chose d'aussi spécial, d'aussi étrange, d'aussi macabre !
Matante P sort une vieille cassette Beta, qu'elle insère dans son
gros vidéo. Elle nous regarde, ferme les yeux, puis appuie sur
Play. Silence de mort dans le salon.
La scène dure à peine une minute. On y voit Ted Danson traîner sa vieille mère dans une autre pièce [de l'appartement hanté en question] pour lui montrer le petit bébé qu'il fait passer pour sa propre fille (si je me souviens bien).
-Regardez bien en arrière, près de la fenêtre, derrière les rideaux,... On y voit la carabine, canon vers le sol, appuyé contre le mur. L'arme avec laquelle le p'tit s'est suicidé.
Alors que Ted et sa maman passe en coup de vent d'une pièce à l'autre, on voit effectivement la carabine posée là, près de la fenêtre. Je me sens tout drôle. Incroyable ! Personne n'a vu ça sur le plateau de tournage ? Personne n'a vu ça en salle de montage ? Je suis à la fois intrigué et craintif.
-Mais attendez... Quand les deux sortent de la pièce avec le bébé dans les bras, c'est pus la carabine qu'on voit, là, derrière les rideaux... c'est le fantôme du p'tit gars. Il est là, il observe, il erre à tout jamais,...
Je ne quitte pas la télé des yeux. Le trio repasse devant la fenêtre et...
Sainte-Marie, mère de l'autre. Je l'ai vu. Le p'tit gars est là, derrière les rideaux. Mon coeur arrête de battre, je deviens blême, je suis nerveux, troublé, terrifié. Tout le monde est traumatisé dans le salon. Quelqu'un demande à revoir la scène,
Rew,
Play,
Rew,
Play, rien n'y fait; c'est bel et bien une carabine, et c'est bel et bien le p'tit gars, les deux dans un long plan séquence.
Je garde de cet après-midi un souvenir plutôt désagréable. Cette apparition funeste m'accompagne depuis maintenant presque 20 ans. Je me souviens qu'au secondaire, quelqu'un racontait qu'il avait vu la mère du défunt à une émission genre
Oprah Winfrey, et la maman éplorée d'affirmer que depuis qu'elle avait vu son fils dans le film, elle ne dormait plus, elle voulait mettre fin à ses jours, etc., le tout avant de quitter le plateau abruptement, complètement hystérique.
+++
23 mai 2007
FOUTAISE !Ça y est, c'est tout un pan de mon adolescence qui vient de partir en fumée. Toutes ces années passées à y repenser, à ne plus jamais vouloir revoir ce film, à me demander le comment du pourquoi, du qui et du comment,...
Le film a été tourné entièrement en studio, à Toronto; aucun appartement hanté n'a été maltraité durant le tournage.
Le p'tit gars n'a jamais existé, pas plus que la foutue carabine censément utilisée pour commettre l'irréparable.
En vérité, je vous le dis, il s'agit... d'un Ted Danson en carton, grandeur nature. Eh oui. Dans une scène sacrifiée au montage, on voit très bien Ted (le vrai) regarder par la fenêtre, alors que Ted (le faux, le cartonné, le salopard responsable de toutes ces années de vent, de mensonge) est là, comme un con, planté près de la fenêtre. Habillé à la
Fred Astaire, genre redingote, canne et chapeau haut de forme, le Ted en
cartron apparaît plus tard dans le film, derrière les rideaux, dans la fameuse scène du fantôme, mais puisque la scène dans laquelle on le voyait dans toute sa splendeur n'avait pas été retenue pour le film, on ne connaissait pas l'existence de ce truc grandeur nature,
and the rest,
as they say,
is History.
Ce qui est d'abord perçu comme étant une carabine est en réalité le bras du Ted en
cartron, puis le fantôme du p'tit gars, ben c'est Ted au complet. Pff.
Tout ça pour ça !
Même en sachant cela aujourd'hui, la scène est tout de même bluffante. On croit vraiment voir la carabine, puis l'enfant, craintif, derrière les rideaux, condamné à hanter... les studios de Toronto. Grr.
Pour les photos et l'extrait vidéo, c'est
ici que ça se passe.
Quand on dit qu'il y a une explication à tout... Dommage.
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